vendredi 19 mars 2010

Article n°60 :

L’horoscope fut donné à 6h47 :
« Lion : Cessez de rêver votre vie et vivez-là. »
Oh, le petit insolent. C’est parfaitement le conseil qu’il ne fallait pas me soumettre ; celui qui fait vaciller de fragiles motivations et une énergie en déclin.
Songeons un peu à la façon dont je devrais vivre ma vie.
D’abord, j’éparpillerais aux quatre coins du continent, les résidus de ma balance électronique, pour m’assurer que plus jamais elle ne rassemble ses éléments et ne se ligue contre moi, moi et mes malheureux stocks lipidiques.
Ensuite, je me dirigerais droit vers le Garçon, d’un pas assuré et d’un regard engageur : « Pardonne mes bourrelets et mon acné, mais je promets qu’en vrai je suis une véritable bombasse et spirituelle et drôle par-dessus le marché. Tu peux goûter si tu veux. »
Le râteau aussitôt encaissé me mènerait à garnir un baluchon de quelques provisions, et à fuir vers de nouveaux horizons. Je réfléchirais à une reconversion _ reconversion, c’est le terme que j’emploie, bien qu’actuellement je ne puisse m’attribuer aucune activité productive.
Sur le chemin donc, me viendrait cette idée : je serai l’Amélie Poulain de demain. De demain et des jours qui suivent. J’écrirai la vie des gens sur deItaliques post-it. Des leçons de vie, des astuces, des philosophies, des remèdes, des méditations, des mots d’amour, des félicitations, des alexandrins, des calembours, des contrepèteries, des charades, des refrains, des exercices de diction, du vieil argot, des idées non-reçues.
Le citoyen trouverait griffonnée en noir ou en couleur, cette prose furtive dédiée à son attention, sur son paillasson, sur son pare-brise, sous ses pots de fleurs, sa chaise de bureau, sur la machine à café, sur un coupon de papier vécé.
Des mots écrits pour lui, parcouru de ses pupilles, qui arrêteront quelques secondes le flot routinier de ses pensées récurrentes. Pose-toi et lis. Ces mots peuvent transcender ta journée.
Ils pourraient en tout cas transcender la mienne. Il suffirait que le Garçon fasse l’effort de glisser dans ma trousse, un pli qui aurait l’air de ceci :
« Voudriez-vous ma main pour ranger cette folle mèche derrière l’oreille ? »

Il est 23h30, l’écran d’accueil du téléphone fixe affiche « Bonjour ». Ça part d’un bon sentiment, mais la moindre des choses tout de même, ce serait que passé dix-huit heures il affiche « Bonsoir ».