vendredi 9 octobre 2009

Article n°55 : Bon courage lecteur.

Ma journée commence en insultes. Je jure du bout des dents contre cette sonnerie de réveil fort malvenue, des obscénités non articulées car ma mâchoire dort toujours. Je m’assieds hirsute dans le lit, je pense vaguement la journée qui m’attend, et c’est un véritable combat que je mène alors contre moi-même pour ne pas céder à l’instinct de conservation, qui me murmure de replonger sous la couette et de faire fi de mes obligations. Je consens finalement à me placer en équilibre sur mes deux jambes, et je profite du trajet jusqu’à la salle de bain pour me décoller les paupières. Ce que j’entrevois alors en arrivant devant le miroir du lavabo est un spectacle terrifiant. Je passe outre ce dégoût rituel, je jette ma tenue de nuit à terre et je tire le rideau de douche. C’est d’abord de l’eau froide qui sort, ce n’est pas agréable, j’évite cette marre glacée en réfugiant mes pieds dans un coin sec. Ensuite je verse du gel douche dans la main gauche, et stupeur : la substance est verte. Enfin quoi, je ne pouvais quand même pas me douter que les commerciaux iraient jusqu’à donner la même couleur au gel douche qu’au flacon qui le contient. Après le choc psychologique de m’être savonnée à la bave d’alien, j’émerge en même temps que je me sèche. Il faut que je m’arrange les cheveux, que je m’arrange la figure, ce n’est pas chose aisée et c’est probablement inutile. Je le fais quand même, à contre cœur. J’écoute les animateurs radio coasser leurs stupidités depuis la chambre. Ils ne sont vraiment pas drôles mais si on me demandait de mettre l’ambiance à 6h du matin, je crois que je ne serais pas plus glorieuse qu’eux ne le sont.
Il me reste dix minutes pour le petit déjeuner, j’ai pris la peine de faire la vaisselle hier soir de ce dont j’aurais besoin maintenant même, bol à Special K, bol à café, verre à jus d’orange et cuillères associées. Vite vite.
Brossage de dents, bourrage de sac, un dernier coup d’œil dans la glace pour y voir la catastrophe de mon allure, mais c’est bien trop tard pour s’y reprendre et puis pour quoi faire. Je ferme la porte à clé, je file dans le couloir puis dans la rue, c’est encore la nuit, c’est toujours la nuit, il fait humide et je suis bien contente d’avoir attaché mes cheveux.
Alors j’arrive à la fac, il y a des lumières un peu partout, je monte des escaliers, j’attends au milieu de tous ces étudiants, l’ouverture de mon amphi. Au moment où l’appariteur fait son apparition, la foule s’amasse près des portes d’entrée, dans les starting-block pour s’infiltrer dans la salle et réserver les places.
Et y en a un, à ce moment-là, qui lâche un peu aussi fétide que perfide dans la meute impatiente. Espèce d’ignoble petit bonhomme, si un jour je retombe sur cette odeur, je saurai t’identifier, et je te ferai payer ton incivilité. Ce n’est pas le genre de faits qui doivent se produire devant la jeune fille en fleur que je suis. D’ailleurs quand moi je pète, ça sent bon.
Donc je rentre, à peine remise de cette émotion, je me vautre contre le mur de gauche, pour ne pas être à la portée des tirs de doublants sur les primants. J’attends que le cours commence ; le cours commence, je m’ennuie, le cours se termine, je sors faire pipi. L’attente aux toilettes des filles est aussi longue que la grande muraille de Chine, je prends mon mal en patience, je pense à autre chose, à des endroits loin, trèès loin. Une cuvette se libère, je m’enferme mais je n’arrive plus à faire pipi. S’ensuit une longue série de techniques infructueuses pour évacuer les litres. Il faut retourner en cours, le deuxième cours commence, j’agonise. Puis je rentre, et je mange, je mange beaucoup, et je ne fais pas la vaisselle.
Il faut ensuite réviser, alors c’est ce que je fais. Parfois je lève la tête, je me dis qu’il manque quelque chose à cette vie, puis je me rappelle que ce qu’il y manque c’est la réussite du concours, alors je me replonge dans ces affaires. Le soir arrive tant bien que mal, j’en ai marre, je veux sortir, mais je ne sors pas et j’allume la télé. Au bout d’une heure ou deux je suis épuisée, alors je passe vite par la salle de bains, et je me prépare pour le lit à une place vide qui m’attend. C’est bien le seul qui m’attend. J’éteins la lumière, je me mets à penser, à ressasser, je n’arrive pas à dormir, c’est fou ça. Je suis crevée toute la journée mais je ne dors pas le soir. Les voisins sont bruyants. Je mets des boules quiès. Je me concentre sur ma respiration. Et j’attends le sommeil. Qui viendra. Et qui prendra fin au proche réveil.

jeudi 1 octobre 2009

Article n°54 :


Une planète me pousse sur le nez ; un désastre épidermique qui me fera d’ici peu ressembler à une créature à deux têtes. Mes bras ont grossi, les manches de mon t-shirt me boudinent les chairs. C’est évidemment dans ces conditions qu’aujourd’hui, Super Canon de l’amphi a posé les yeux sur moi. Mes amis, l’époque où je ressemblerai à Scarlett Johansson sera grandiose, et surtout elle n’existera jamais. Je finirai, comme le prédisait Bridget Jones sur son propre avenir, seule sur le sol de mon studio, avec pour unique compagnie des bergers allemands qui se délecteront de mes graisses flasques et tenaces. Mais je n’aime pas les chiens. Alors peut-être s’agira-t-il de poissons rouges. Et c’est gore.