samedi 21 février 2009

I Can Get No Satisfaction


Je suis de ceux qui ne veulent croire en rien, mais qui y croient quand même un petit peu. Sinon, comment avancerait-on, et comment serait-on arrivé jusque-là où l’on se trouve ? Une force immatérielle nous guide, celle de l’espoir déchu, mais non disparu. On essaie, encore, encore. Sans quoi tout est fini. Mais on se prépare à être déçu, encore, encore.


Hier il y avait cet homme qui est monté dans le tram, à l'arrêt de l'Hôpital Pellegrin. J'ai remarqué tout de suite le détail qui n'est apparu aux autres passagers que quelques instants plus tard. Cet homme était pieds nus. Il marchait dans la rue, sur les trottoirs sales de crachats, de chewing-gums fossilisés, de crottes de chiens sédimentées, de graviers émoussés, avec sa plante de pieds nue. Cet homme sentait à chaque pas le lien direct de l'attraction terrestre, sa pesante gravité, sans atténuation de caoutchouc, sans talonnettes de fils à papa. Il avait les ongles longs et noirs, les orteils crochus et une capuche sur la tête. Il ne portait que du noir, sa barbe mal rasée était noire, et il avait sur l'un de ses yeux un patch blanc protégé par une petite structure en plastic blanc. Je me suis demandée si c'était pour ça qu'il portait la capuche. Il s'est assis à côté d'une lycéenne coquette moyenne. Elle a tenu un arrêt supplémentaire, puis elle a changé de place.

Moi, je ne m'assieds plus dans le tram. Il y a trop de gens dérangés, de clochards, de personnes qui n'inspirent pas confiance. Je n'étais pas comme ça avant. Mais à la longue, on se méfie de tout le monde. Avant, si quelqu'un entamait spontanément une conversation, je prenais un air gêné mais je répondais. Aujourd'hui je détourne le regard, les épaules et je monte le son. J'évite les inconnus. Je suis seule ici. Qui viendra me défendre ? J'ai toujours détesté l'idée d'être dépendante de la protection d'autres, j'ai souvent revendiqué mon aptitude à me débrouiller seule. Mais la vérité c'est que j'ai 18 ans, que j'en parais deux de moins, que je fais approximativement 1m55 et que je n'atteins pas encore les 50 kg. Je ne suis pas rassurée.

Mais cet homme, pieds nus, je me suis dit qu'il avait eu une bonne idée. C'est simplement dommage qu'il se retrouve à piétiner la crasse des autres sans protection autre que son épiderme.

Greg House, prends-moi !

vendredi 13 février 2009

Vendredi 13 et St Valentin, ou comment enchaîner les mauvaises journées.


Ce soir mes parents n’appelleront pas. Pourtant j’ai envie de raconter ma journée à quelqu’un.
Hier soir après un passage bref et tardif à la Victoire, je suis rentrée chez moi pour me coucher à deux heures du matin, enfin épuisée et prête à m’endormir sans rechigner. L’effet fut miraculeux, je suis tombée comme une masse dans les bras de Morphée, pour la première fois depuis plusieurs nuits. Le réveil a sonné à sept heures du matin ; j’ai réussi à lui négocier une demi-heure supplémentaire pour me tirer de lit, hirsute et un peu bouffie. Je suis allée à l’ED de BioCell de 10h15. Je ne suis pas arrivée assez tôt pour garder des places au centre de l’amphi, là où le prof ne pense pas à interroger les élèves. Mélanie et Laura m’ont rejointe, et quand Monsieur Daniel le professeur de Biologie Cellulaire est descendu du haut de la salle jusqu’à la chaire devant les tableaux, les pauvres étudiants furent victimes d’une décharge de stress. Ils se sont redressés, tendus comme des cordes à linge, et ont avalé leur salive. Les cœurs battaient à l’unisson, hurlant : « Pas moi, pas moi, ne m’interrogez pas ». C’eût pu être pire finalement, et à la sortie de ces deux heures, l’organisme imbibé d’adrénaline, on s’est dit « Bon week-end », à mardi. Il faisait beau, un vrai soleil, c’est mieux qu’une cure de vitamines, mais il y en avait moins à l’ombre. Je suis rentrée à ma chambre qui pue, j’ai aéré et j’ai mis l’eau des pâtes à bouillir. J’ai forcé la dose et j’ai tout fini parce que j’avais très faim, et le sentiment de culpabilité de manger autant pesait pourtant bien lourd sur l’estomac. Le frigo était vide. Je suis ressortie, sous le même soleil, j’ai pris le tram jusqu’au supermarché, j’ai dû acheter beaucoup de choses parce que j’avais négligé les courses pendant plus d’une semaine, et donc je me suis déboîté les épaules sur le chemin du retour. Un mec, passant en voiture, s’est foutu de moi et n’a pas proposé de m’aider. C’est comme ça les garçons. C’est débile.
J’ai déposé les sacs dans la chambre, après avoir essayé l’ascenseur récemment rénové (champagne !), je suis redescendue pour me débarrasser des poubelles sales, je suis remontée, j’ai vidé les sacs de courses, je me suis dis « si tu travaillais ? » alors j’ai essayé de travailler, jusqu’à l’épisode de Grey’s Anatomy que j’avais déjà vu. Ensuite j’ai éteint la télé et je me suis dis « si tu travaillais ? », et j’ai réessayé de travailler. Mais j’avais trop envie de parler. J’ai posté une courte phrase sur mon blog, une que j’avais en stock depuis plusieurs semaines, parce que depuis plusieurs jours je deviens incapable de produire un texte. Les mots meurent sous mes doigts et perdent leur intérêt. Je n’arrive plus à leur donner une forme, à les organiser dans une phrase qui fera son petit effet.Ce soir mes parents n’appelleront pas. Dommage. J’ai découvert cette année que j’étais un être social.

Quelle heure il est ?


Un jour, j’ai souris à un tout petit garçon ; j’ai alors vu son visage se décomposer spontanément sous l’effet de la terreur. Là j’ai vraiment pigé que j’étais laide.