mardi 3 mai 2011

Article n°68 :



Je me sens comme un rat de laboratoire dans un labyrinthe.
Les beaux jours se réinstallent dans le décor et inspirent l'optimisme au peuple qui ressort ses chemisettes et ses tongs. La hargne bouillonne dans mes viscères, et cette meringue de Kate qui agite la main dans son carrosse royal, et cette balance qui n'affiche pas le bon poids, et ces fraises qui moisissent le lendemain de l'achat, et cet inconnu qui me harcèle de sms pour me souhaiter une bonne année 2008, et ces séries miello-guimovo-niaises qui me font rêver, et tous ceux qui finiront par m'oublier.
Je deviens de plus en plus grosse, par conséquent de plus en plus irrascible et insupportable. Je veux partir seule, pêcher en mer, élever des vaches à la campagne ou des moutons en montagne. Retrouver le goût de la survie au contact de la nature. Renaître des cendres. Oublier le cours de la vie qui rend vieux, cancéreux, geignard et triste. Oublier les publicités, les sirènes d'ambulance, les klaxons, les moteurs, les grues, les ouvertures pratiques, les sonneries de téléphone, les chewing-gum, le maquillage, les miroirs, les vitrines, les promotions, les cartes de fidélité.
J'ai perdu l'envie et l'art de raconter ma vie avec recul et sarcasme. S'effacer sur un post décevant. Ca vous évitera de revenir.
Au revoir.

lundi 17 janvier 2011

Article n°67 :


Ce que je voulais, c’est être danseuse, chanteuse, comédienne ou boulangère. Je me suis appliquée dans les études, mais jamais je ne m’y suis épanouie. Non par goût de l’effort, plutôt par sens du challenge, ai-je tout de même réussi à me surprendre parfois de ce dont j’ai été capable. Aujourd’hui, examinant ma bague fétiche en pierre d’onyx, minéral de l’ambition et du sang-froid, j’y ai constaté une fissure transversale. Je n’ai pu m’empêcher de l’interpréter comme le symbole évident de la cassure dans mes plans de vie. A quand l’accomplissement personnel ? Je m’essouffle parmi mes chapitres d’études et mes déambulations dans les couloirs d’hôpital. J’ai une fois encore été dépassée par mes fantasmes et par la force de mon imaginaire : les établissements de soins ne sont pas un terrain où je saurai me montrer compétente. Savez-vous créer du relationnel avec des inconnus malades, chaque jour relayés par d’autres inconnus, et savez-vous le créer de manière détachée et passagère ? A l’hôpital, je découvre l’hypocrisie des discussions sans intérêt, du flot de paroles sans profondeur qui comblent les silences et mettent le patient d’humeur confidente. Il faut arracher ses secrets au patient. Il faut le sortir de son mutisme. Il doit tout dire sur son histoire, sur l’histoire de sa maladie, sur ses antécédents, sur sa situation familiale, sociale, économique. Autant de choses qui me dérangent et que j’aimerais qu’ils gardent sous scellé dans leurs intimités. Mais le patient parle et c’est ce que l’on attend de lui ; sa coopération et sa docilité. Si le patient s’effondre, quels bons sentiments suis-je supposée exprimer ? Moi qui me trouve incapable de trouver des mots de réconfort, ou des gestes d’affection, envers mes proches les plus chers ? Comment puis-je toucher des inconnus alors que je refuse et répugne le contact physique avec autrui ?

L’indifférence à la douleur et l’intérêt exclusif du cas clinique feraient-ils de moi une bonne professionnelle de santé ? Je me suis toujours rêvée en femme carriériste, fière, orgueilleuse et intelligente, sûre et compétente sur les choix tactiques et thérapeutiques. Mais la logique, l’esprit et la confiance en moi ont toujours fait défaut. On pouvait penser que le temps et l’expérience aidant, je saurais progresser. Mais ma pierre d’onyx est lézardée, ma pensée se délabre, mes certitudes s’effondrent et mon envie s’effrite.
Que dois-je faire ?

lundi 18 octobre 2010

Article n°66 :


Alors nous y voilà. Non, tu peux rester assis, mais regarde-moi quand je te parle. Tu m’entends ? Eteins la télé. Ce soir tu ramènes des effluves de pétasse sur ton duffle-coat, mais tu crois peut-être que je ne savais pas ? Si, je t’ai deviné, je t’ai vu venir de loin. J’ai même pris de l’avance sur ma revanche. Tu comprends maintenant, pourquoi ta serviette était mouillée quand tu sortais de la douche, pourquoi tes plats étaient si poivrés, pourquoi ton pyjama est sorti rose de la machine à laver, pourquoi tes slips ont commencé à te râper la raie. Tu comprends que si tes cheveux étaient si gras, c’est parce que de l’huile fut émulsionnée dans ton flacon de shampooing, que si les coutures de ta sacoche de travail ont lâché, c’est parce qu’elles ont été décousues. Tu comprends que j’ai invité ta nièce chaque soir de match, quand elle exige de regarder Joséphine Ange Gardien.
Et arrête de me fixer avec tes yeux de sac plastique. T’étais prévenu, qu’on ne serait pas heureux. Je t’avais dis que j’étais allergique aux arachides, aux poils de bête et à ta tronche de cake. Je t’ai expliqué, que ça m’arrangeait d’être en couple parfois, pour les soirées entre amis t’as l’air moins conne, pour les séances de ciné aussi, ça fait son petit effet de partager le pop-corn, et puis j’aime bien me savoir escortée.
Mais aujourd’hui, puisque je te tiens, je te révèle le fond de ma pensée. Supporter ton haleine du réveil, c’est mon défi héroïque matinal, chaque jour. Trébucher sur tes chaussettes sales et fétides qui jonchent le tapis, débarrasser la table de tes immondices en fin de repas, nouer ta cravate comme tu aimes, passer de brune à blonde sans que tu ne soupçonnes un vague changement dans mon apparence générale, chercher l’escabeau sans que tu ne proposes de l’attraper pour moi, cet album photo, écrire à ta place la carte d’anniversaire pour ta garce de mère, dérégler mon organisme avec un contraceptif alors que tu ne me touches pas, te préparer un sandwich complet parce que demain tu es en déplacement, rabaisser la lunette des WC après ton passage, sourire à ta mère, parler à ta mère, accompagner ta mère à son cours d’Aquagym. Tu sais ce que j’ai fait, avec la frite flottante de ta mère ? J’y ai planqué de la coke. En petits sachets. Comme ça, je me fais une petite cagnotte, je n’ai plus besoin de toi, et tu peux te casser ce soir. Prépare tes bagages. C’est moi qui garde l’appartement.