lundi 18 octobre 2010

Article n°66 :


Alors nous y voilà. Non, tu peux rester assis, mais regarde-moi quand je te parle. Tu m’entends ? Eteins la télé. Ce soir tu ramènes des effluves de pétasse sur ton duffle-coat, mais tu crois peut-être que je ne savais pas ? Si, je t’ai deviné, je t’ai vu venir de loin. J’ai même pris de l’avance sur ma revanche. Tu comprends maintenant, pourquoi ta serviette était mouillée quand tu sortais de la douche, pourquoi tes plats étaient si poivrés, pourquoi ton pyjama est sorti rose de la machine à laver, pourquoi tes slips ont commencé à te râper la raie. Tu comprends que si tes cheveux étaient si gras, c’est parce que de l’huile fut émulsionnée dans ton flacon de shampooing, que si les coutures de ta sacoche de travail ont lâché, c’est parce qu’elles ont été décousues. Tu comprends que j’ai invité ta nièce chaque soir de match, quand elle exige de regarder Joséphine Ange Gardien.
Et arrête de me fixer avec tes yeux de sac plastique. T’étais prévenu, qu’on ne serait pas heureux. Je t’avais dis que j’étais allergique aux arachides, aux poils de bête et à ta tronche de cake. Je t’ai expliqué, que ça m’arrangeait d’être en couple parfois, pour les soirées entre amis t’as l’air moins conne, pour les séances de ciné aussi, ça fait son petit effet de partager le pop-corn, et puis j’aime bien me savoir escortée.
Mais aujourd’hui, puisque je te tiens, je te révèle le fond de ma pensée. Supporter ton haleine du réveil, c’est mon défi héroïque matinal, chaque jour. Trébucher sur tes chaussettes sales et fétides qui jonchent le tapis, débarrasser la table de tes immondices en fin de repas, nouer ta cravate comme tu aimes, passer de brune à blonde sans que tu ne soupçonnes un vague changement dans mon apparence générale, chercher l’escabeau sans que tu ne proposes de l’attraper pour moi, cet album photo, écrire à ta place la carte d’anniversaire pour ta garce de mère, dérégler mon organisme avec un contraceptif alors que tu ne me touches pas, te préparer un sandwich complet parce que demain tu es en déplacement, rabaisser la lunette des WC après ton passage, sourire à ta mère, parler à ta mère, accompagner ta mère à son cours d’Aquagym. Tu sais ce que j’ai fait, avec la frite flottante de ta mère ? J’y ai planqué de la coke. En petits sachets. Comme ça, je me fais une petite cagnotte, je n’ai plus besoin de toi, et tu peux te casser ce soir. Prépare tes bagages. C’est moi qui garde l’appartement.

3 commentaires:

Thomas G. a dit…

C'est bien écrit, comme d'habitude. C'est franc, direct, tranchant, cru.
Et c'est certainement pour une raison précise. Ces mots sont sûrement mérités.

Personnellement, j'espère que ce genre de mots ne me seront jamais destinés. Ça ne tient qu'à moi.

Ça ne tenait qu'à lui.

Kalamity a dit…

Hey ! Je n'étais jamais passée par là, et j'aime déjà ces mots acérés, vrais, nets !

Clemensca a dit…

Mon dieu, j'avais oublié combien tu écrivais bien. Tout mon respect Sophie, je m'incline. J'aime ce texte. J'adore ce texte. Je ressens ce texte. Je devrais parfois lacher mes sensations, peut être serais je capable d'écrire comme cela. Bravo Sophie. C'est du beau, ça. C'est du frappant. C'est du grand. C'est du toi.

Bisous ma biche dorée.