samedi 18 octobre 2008

C'est la mère Michel qui a perdu son chat.

Quand j'étais petite, il y avait des week-end où mon père travaillait. Il rentrait à l'appartement le midi, il mangeait avec sa femme et sa fille, puis il allait piquer une courte sieste sur le canapé parce qu'il s'était levé tôt le matin. Et pendant ce temps, Maman lui préparait un café. C'était moi qui apportait le café. C'était très important, c'était une grande responsabilité cette histoire de café, il ne fallait pas le faire tomber sinon mon orgueil aurait été fortement ébranlé. Alors je faisais de tout petits pas rapprochés, le regard fixé sur l'onde liquide qui oscillait dans la tasse, les doigts crispés sur la coupelle, le souffle coupé et le défi au ventre. De cette démarche calculée et pondérée, je m'approchais de la table basse, et dans un état de concentration à son paroxysme, je fléchissais les genoux pour déposer le breuvage fumant sur un coin dégagé. Dès cet instant je pouvais envisager de réadopter une respiration normale. Accroupie, je saisissais le carré de sucre entre mes doigts d'enfant, j'en trempais juste l'extrémité et j'adorais regarder comment il s'emplissait progressivement de café. Lorsque la tâche brune atteignait ma peau, je le lâchais vite dans un plop un peu mou, et je le regarder sombrer au fond de la tasse où il se dissociait dans la mare noirâtre. Et puis je mélangeais avec la petite cuillère en inox, en faisant attention de ne pas trop heurter l'intérieur de la tasse, pour ne pas réveiller Papa. Mais bien sûr qu'il était réveillé à ce moment-là. Quand le café était prêt, je jetais un coup d'oeil par-dessus mon épaule, je vérifiais que Papa avait toujours les paupières closes, et je sirotais dans une discrétion toute relative, une et une seule cuillère de ce que je venais de préparer. Je me retenais de faire la grimace avec un goût si amer sur la langue. Et mon père, amusé, me demandait : "Tiens, tu aimes le café, toi ?". Et moi, dans un mensonge honteux et scandaleux, je hochais la tête, parce que ça faisait un point commun de plus avec mon Papa. Et c'était bien d'avoir des points communs avec Papa, comme ça j'étais sûre qu'il m'aimerait pour toujours.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime pas le café, c'est une boisson d'adulte.
Tu me manques,
Bizoux.

Anonyme a dit…

Oh ça, c'est trop gentil =)
Gros bisou.

Anonyme a dit…

C'est peut etre parce que je n'ai pas de point commun avec lui à part mon rêve de devenir médecin qu'il ne m'aime pas enfin surtout que je ne lui manque pas :(


(j'aime pas le café non plus d'ailleurs :'p)